Rétablissement et appropriation du pouvoir : quelques enjeux brouillent le consensus

Jean Gagné

Ph. D. professeur TÉLUQ

 

Le rétablissement est devenu depuis plus ou moins le milieu des années 1980, un mot d’ordre repris presque d’une seule voix par tous les acteurs du champ de la santé mentale. D’abord popularisé dans le monde anglo-saxon puis adopté au Québec, il se répand maintenant dans le reste de la francophonie. C’est pour cette raison que j’ai jugé pertinent de profiter de ce colloque qui s’adresse opportunément à un public international et francophone pour mettre en discussion cet engouement. Et, répondant à l’invitation du texte liminaire de cette rencontre, je le ferai en résistant à l’air du temps. Je remettrai ainsi en question la légitimité du consensus dont semble bénéficier le rétablissement en santé mentale.

En 1996 Patricia Deegan dénonçait, dans un texte qui portait justement sur le rétablissement, l’apparition périodique de mots tendances politically correct en santé mentale. À chaque décennies, déplorait-elle, de nouveaux noms sont donnés aux intervenants ou aux pratiques mais la transformation profonde qu’ils sont censés signifier demeure factice car le système de soin qui fait défaut reste intact (Deegan 1996a). Elle dénonçait là une ruse langagière à laquelle elle voulait faire échapper le rétablissement en réservant son usage à la description d’un processus mené par les personnes tandis que ce que les professionnels feraient pour les appuyer se nommerait encore la réhabilitation psychiatrique. Cette distinction avait déjà été faite par une autorité reconnue en cette matière (Anthony, 1991 dans Anthony et al. 2004. Malgré ces alertes, le rétablissement est devenu à son tour un de ces mots valise qui sous leur sens commun peuvent passer en contrebande une signification contraire (Birh, 2007). Ce statut de caméléon sémantique mine à l’avance la critique de ce que nous appellerons, faute de pouvoir lui accorder un statut théorique précis, le «courant» du rétablissement. S’élever contre celui-ci équivaudrait aujourd’hui à appuyer le vieux dogme d’incurabilité de la maladie mentale et à alimenter a la stigmatisation sociale qui lui est directement associée. Ce texte, ne vise pas pour autant à restaurer la vraie nature de rétablissement mais plutôt à décrypter quelques enjeux pratiques qui concernent directement sa définition et qui sont tus sous ce consensus.

 

Le rétablissement : entre sociologie et épistémologie

Il est assez étonnant en effet que cette seule formule puisse être utilisée indifféremment pour définir une attitude générale, un processus ou un résultat. Lesquels peuvent s’appliquer autant à une orientation gestionnaire, aux modalités de traitement qu’à un projet personnel. De là, il est légitime de s’interroger sur la signification et le statut du terme. Ces questions relèvent non seulement d’une préoccupation scientifique qui concerne la nature de la chose et de ses impacts pour la pratique, elles posent aussi le problème de son appropriation en tant qu’enjeu de position pour les acteurs du champ social de la santé mentale. Le rétablissement est selon son sens usuel quelque chose d’éminemment désirable. Comme l’écrit Jennifer Chambers «who could object?» (2008). Il est entendu que quiconque pourrait prétendre et convaincre la population d’en détenir la clé, d’en comprendre la nature et de connaître la manière de le faire advenir, serait assuré d’exercer un rôle majeur en santé mentale. Et tel est d’ailleurs l’enjeu de tout champ social comme il en existe inévitablement un en santé mentale. C’est un espace structuré de positions avec ses règles, ses modes d’agir et ses enjeux spécifiques. Tout champ social est l’arène d’une concurrence entre des acteurs qui, en son sein, sont des dominants ou des aspirants à le devenir. Ce qui les fait courir ce sont ses bénéfices particuliers: les titres, les postes, l’autorité et le renom (Bourdieu, 1980).

On peut aussi voir autrement le rétablissement. Plutôt qu’être le mot clé d’une lutte de position, ce serait l’emblème d’une révolution paradigmatique (Kuhn, 1983, 1990), c’est-à-dire d’un chambardement des convictions et manières de faire dans la communauté scientifique de la psychiatrie ou plus largement dans celle de la santé mentale. Il nous faudrait alors identifier et décrire «l’anomalie» qui selon l’approche de Kuhn, justifie la remise en cause d’une telle «matrice disciplinaire» qui jusque-là définissait ce qu’était pour ses membres la «science normale». Dit autrement, il est à la charge des révolutionnaires de ce paradigme de démontrer que le rétablissement constitue désormais le nouveau pivot autour duquel s’articulent la compréhension et la recherche en santé mentale[1]. Il nous apparaît ici possible pour le bénéfice de notre analyse critique de concilier ces deux conceptualisations puisqu’elles s’entrecoupent : une communauté scientifique est inévitablement partie prenante d’au moins un champ social. Le concept de paradigme développée par Khun concerne le développement des connaissances dans une spécialité scientifique donnée tandis que celui du champ social proposé par Bourdieu permet plutôt le décryptage des jeux d’intérêts des acteurs qui partagent l’espace social dans lequel s’inscrit cette activité[2]. À la jonction des deux nous retrouvons une proposition suivant laquelle la poursuite de ces enjeux, le savoir et le positionnement social, peut se mener avec une stratégie commune et généralement adoptée par des jeunes ou de nouveaux entrants. Elle consiste à contester les certitudes de leurs pairs plus âgés, si tant est que :

«[La] ¨science normale¨ peut être regardée, négativement, comme une dogmatisation temporaire, une sorte d’inertie intellectuelle, une sclérose de la réflexion liée à l’âge des chercheurs mais aussi au maintien de positions de pouvoir face à des remise en cause intellectuelles qui risquent de s’accompagner de remises en cause de positions dominantes, de postes, et de crédits.» (Rumelhard, 2005; 208-209)

Dans l’état actuel des connaissances il serait difficile d’affirmer que le «rétablissement» en santé mentale est le nom d’une nouvelle règle scientifique démontrée et qui attesterait bien que la maladie mentale est réversible ou du moins que le sont les symptômes que nous lui attribuons. Comme le notent Onken et al. (2007), l’absence de consensus quant à la définition du rétablissement en santé mentale correspond à la même situation pour ce qui en est de la maladie. Nous ne savons toujours pas quelles en sont les causes ni même si nos diagnostics représentent des entités spécifiques. De plus selon Anthony et ses collègues (2004, 110) « […] les personnes atteintes d’incapacités psychiatriques doivent se rétablir de traumatismes multiples et récurrents ». Il peut s’agir de diverses expériences pénibles vécues à l’enfance, en situation de migration ou de guerre, des effets iatrogéniques du traitement ainsi que de la discrimination et de la stigmatisation et des injustices sociales que peuvent subir les patients psychiatriques (Mental Health «Recovery» Study working Groupe, 2009, Everett et al. 2003; Ochocka et al. 2005). Ces auteurs précisent même que les traumatismes d’origine sociale peuvent être les plus difficiles à surmonter. Si on ne sait pas très bien de quoi on se rétablirait, il demeure que cette perspective appliquée aux maladies mentales graves a un potentiel subversif pour la «science normale» de la psychiatrie et conséquemment pour l’équilibre des positions dans le champ social de la santé mentale. L’autorité biomédicale sur ces savoirs et ces pratiques se fonde en effet sur la croyance partagée qu’elle est la mieux à même de traiter les troubles mentaux dits chroniques, difficiles, sévères, persistants, à évolution lente ou prolongée etc. Toutes ces acceptions courantes en psychiatrie cohabitent désormais avec le terme en vogue de rétablissement qui, selon son acception la plus large, signifie que toutes ces maladies n’ont pas nécessairement un pronostic d’aggravation continue et qu’au contraire elles peuvent céder place à une vie satisfaisante, sans ou en dépit de la persistance de certains symptômes. Dès lors, pourrions-nous croire, la compétence spécifique de la psychiatrie, parmi les autres disciplines reconnues en santé mentale, se restreint de plus en plus à la prescription des psychotropes[3].

 

Origines et influences marquantes du courant du rétablissement en santé mentale.

Le virage paradigmatique de la maladie mentale vers le rétablissement, s’il en est un, aurait été inspirée à la fois par l’évolution des pratiques psychiatriques et en particulier de celle de réadaptation, par des observations scientifiques, par la publication d’écrits autobiographiques d’ex-patients psychiatriques ainsi que par des actions revendicatives du mouvement des usagers ou des survivors (Greacen et Jouet, 2013, Boucherat-Hue, 2012, Warner, 2010, Mental health «recovery» Study working Group, 2009, Provencher, 2007, Noiseux et Ricard, 2005, Anthony et al. , 2003, Lauzon et Lecomte, 2002). Quelques-uns soulignent l’antériorité de l’action militante et de la contestation des institutions par rapport à l’ensemble des autres sources que nous avons répertoriées. L’ajout des perspectives professionnelles et académiques en aurait colonisé l’usage (Howell et Voronka, 2012, Morrow et Weisser, 2012). En fait, l’évaluation de l’impact relatif de chacune de ces sources varie selon les auteurs consultés.

La première, source que nous avons citée, la pratique de la réhabilitation psychiatrique et de la réadaptation psychosociale, utilise effectivement un langage très proche de celui que l’on retrouve dans les écrits portant sur le rétablissement. Plusieurs des principes évoqués pour l’un et l’autre se recoupent et nous l’avons vu précédemment, avec parfois un effet de confusion entre les deux termes. Chacun s’appuie sur une attitude positive d’espoir, valorise l’engagement de la personne dans un processus continu, favorise le respect de son autonomie et mise sur ses capacités et ses forces. Dans les deux cas aussi on dit que la personne devrait choisir ses activités selon sa perception de ses besoins plutôt que selon celle des intervenants (Cnaan, 1988, Bachrach 1992, Anthony et al. 2004).

Du côté de l’évolution des connaissances, la publication d’études longitudinales dans les années 1980 et 1990 a révélé que contrairement à ce que l’on croyait jusque-là, la plupart des personnes ayant reçu un diagnostic de schizophrénie en arrivaient à bien vivre en dépit de certains symptômes et sans nécessairement recourir à une médication. De nombreux auteurs citent ces études en tant qu’elles ont démontré que le rétablissement était possible pour la plupart des patients psychiatriques même avec des diagnostics sévères (Greacen et Jouet, 2013, Provencher, 2007; Bellack, 2006, Liberman et Kopelowicz, 2005; Lauzon et Lecomte, 2002, Deegan 2001). Entre autres, un article publié par Bola et Mosher (2003), rapporte les résultats d’une étude menée auprès des patients du centre de crise pour première épisode psychotique de Soteria (1973-1981). Il appert que ceux-ci, traitée dans cette structure légère implantée directement dans la communauté et avec un usage minimale de médication psychotropes, connaissent après deux années une meilleure intégration sociale que leurs pairs traités de manière plus courante. Cette expérience de Soteria fait le pont entre les origines sociales contestataires et antipsychiatriques du courant du rétablissement et son homologation par la recherche et éventuellement la communauté scientifique de la fin du siècle[4].

L’influence militante des années 1970 est aussi facilement repérable au seul rappel des noms de quelques groupe américains de l’époque : Insane Liberation Front, Mental Patient’s Liberation project, Mental Patient’s Liberation Front ou le Network Against Psychiatric Assault (Frese et Davis 1997, Chamberlin 1990). Comme les groupes féministes, gays, ou du mouvement d’émancipation des noirs à la même époque, ils adoptent une pratique de «par et pour» qui exclue de leurs rangs les personnes qui ne partagent pas directement leur expérience d’oppression. Il s’agit d’assumer pleinement un projet d’autodétermination et de construction de son identité propre, tout en se préservant de l’influence des groupes dominants ou oppresseurs. Cela aura eu pour effet de permettre le développement de revendications plus spécifiques aux ex-patients psychiatriques. Ils réclameront ainsi la fin des hospitalisations involontaires et celle de l’usage des mesures de contraintes physiques ou chimiques. Ils contesteront à ce titre des traitements controversés tels les électrochocs, la lobotomie ou l’usage massif de médicaments auxquels ils reprochent de causer des effets secondaires indésirables et parfois irréversibles. Ces groupes mettent aussi sur pied des organismes de défense des droits et d’entraide[5].

Au Québec, la littérature rapporte qu’au début des années 1970 un groupe nommé le Front de libération populaire des patients dénonçait le modèle de désinstitutionalisation et de réadaptation sociale utilisé à l’hôpital de l’Annonciation. Il reprochait à cet établissement de ne préparer ses bénéficiaires que pour des emplois subalternes et mal payés (Boudreau, 1984, Dorvil et al. 1997). Il n’y a de trace de ce mouvement que dans un court article d’un journal montréalais de l’époque, mais néanmoins la revendication des droits de citoyenneté des patients psychiatriques sera bientôt reprise. Ainsi en 1979, à Québec, est formée l’Association des psychiatrisés, qui deviendra au début des années 1980 le groupe Auto-Psy. Il obtiendra en 1983 la nomination d’une personne usagère au Comité de la santé mentale du Québec, un organisme conseil du ministère de la Santé et des Services sociaux, ainsi que d’une autre déléguée au conseil d’administration de l’hôpital psychiatrique Robert-Giffard de Québec (Wallot, 1998; 300, 321 et 339). D’autres groupes développeront au fil du temps des pratiques diverses mettant de l’avant la formation de groupes d’entraide et de défense des droits ainsi que la participation de leurs membres à la direction de ces organismes communautaires. Le regroupement des ressources alternatives en santé mentale fondé en 1983 et l’association des groupes d’intervention en défense des droits en santé mentale du Québec formé en 1990, en seront les principaux porte-parole.

C’est dans ces mêmes années qu’apparaissent les récits de vie d’ex-patients psychiatriques qui seront une autre grande source d’inspiration pour le courant du rétablissement. Les auteurs y racontaient leur parcours de vie après avoir vécus des années de traitements et subis la discrimination et la stigmatisation. Ces témoignages appuyaient de leur savoir d’usage, le savoir expert qu’exprimait la recherche qui constatait que les pronostics traditionnels de la psychiatrie s’étaient avérés trop pessimistes. Ces récits ajoutaient à ce constat la critique des pratiques institutionnelles qui s’autorisant d’une chronicité alléguée aux troubles mentaux, imposaient des contraintes à la liberté des personnes qui en souffraient. Ils n’étaient cependant pas les premiers à le faire.

L’historienne Linda Carlisle rapporte que dès l’apparition des asiles psychiatriques au 19e siècle aux États-Unis, on a commencé à publier des récits d’internement. Ces témoignages dénonçaient les abus et sévices vécus par les pensionnaires des asiles. L’historienne cite en exemple les récits de Robert Fuller, d’Elizabeth T. Stone et Isaac Hunt ainsi que ceux d’Elizabeth Packard. Le militantisme de cette dernière, enfermée contre son gré à la demande de son mari, a fortement contribué à l’adoption de lois protégeant les citoyens de divers États américains contre les internements involontaires et pour la protection du patrimoine des femmes mariées (Carlisle, 2000, Dain, 1989). Plus tard, au début du 20e siècle, un autre ex-patient psychiatrique américain, Clifford Beers a publié son récit d’asile où il dénonçait les mauvais traitements encore tolérés par les psychiatres de son époque. Cet auteur se distingue cependant de ses prédécesseurs qui affirmaient avoir été déclaré fou à tort, alors que lui reconnait son passé psychotique. Il est incidemment à l’origine d’associations américaines et canadiennes qui se préoccupent de prévention de la maladie et de promotion de la santé mentale.

Les récits beaucoup plus récents de Patricia Deegan (1988), d’Esso Leete (1989) ou de Marcia Lovejoy (1982, 1984) appartiennent à une vague subséquente. Ils sont directement associés au nouveau courant du rétablissement. Ces auteurs, comme leurs prédécesseurs du 19e siècle dénoncent les pratiques abusives de la psychiatrie institutionnelle mais contrairement à eux ils revendiquent un statut d’ex psychiatrisés, de consummers ou de survivors. Plusieurs de ces auteurs seront par la suite qualifiés de prosumers, une contraction des mots professional et consumer, parce qu’il s’agit à la fois d’usagers et de professionnels des services de santé mentale. Ce double statut hausse probablement leur crédibilité car il atteste à la fois d’un savoir d’expérience et d’une connaissance experte de ce qui est dénoncé. Les intitulés des articles de Marcia Lovejoy sont typiques de ce groupe. L’auteure témoigne de son parcours de recovery et non de sa réhabilitation ni de sa guérison. Après douze années de traitements ponctuées par dix hospitalisations et deux tentatives de suicides et une période d’accalmie de 4 1/2 années, elle est devenue directrice d’une association d’entraide. Elle attribue cet accomplissement aux acquis de son séjour dans une unité de traitement de la toxicomanie. Elle s’y était retrouvée après une consommation intensive d’alcool qu’elle s’administrait la manière d’un médicament. Elle raconte les bienfaits de l’entraide et sa grande appréciation du soutien reçu par des intervenants plus authentiques que ceux qu’elle a pu rencontrer auparavant en psychiatrie. Ceux-là, plutôt que de se cantonner comme ceux-ci dans l’application d’un protocole thérapeutique, manifestent plus ouvertement leurs sentiments de joie ou de peine à l’égard de ses progrès ou de ses mauvais jours. Certains sont d’anciens patients du service, on dira plus tard des pairs-aidants, ce qui semble aussi favoriser l’alliance thérapeutique. Enfin, elle y rencontre un psychiatre ouvert et à son écoute. Celui-ci adapte ses interventions en fonction des réactions de sa patiente et lui manifeste toujours sa confiance en son rétablissement. Ce récit identifie avec pédagogie, les principaux critères pratiques associés au rétablissement qui seront les plus souvent évoqués dans ce courant de pensée: l’entraide et la pair-aidance, l’authenticité, la constance, la responsabilisation du patient à l’égard de son cheminement par le patient et une attitude de confiance résolue en ses capacités de la part des soignants.

Au Québec, des publications semblables apparaissent à peu près à la même époque, si l’on excepte Les fous crient au secours paru beaucoup plus tôt en 1961. C’est le récit d’internement de Jean-Charles Pagé. Cette charge contre la survivance du régime asilaire au Québec fut appuyée par un ténor de la nouvelle psychiatrie et futur ministre et vice-premier ministre du Québec, le Dr Camille Laurin. Il en a signé la postface et ainsi grandement contribué à la crédibilité l’ouvrage, lequel fut ensuite cité par la Commission d’étude des hôpitaux psychiatriques de 1962 en tant que preuve de la nécessité de la réforme à venir. Ce fut le début d’un âge d’or de la psychiatrie qui s’est néanmoins effrité quelques années plus tard. Le récit de Daniel Dore «Les murs de la psychiatrie, témoignage d’un ex-psychiatrisé», paru en 1985 dans la Revue Santé mentale au Québec, nous semble être le véritable précurseur de la vague des récits contestataires de la psychiatrie au Québec. Son prédécesseur l’appelait plutôt à son aide contre l’incompétence les religieuses gardiennes déléguées des asiles québécois de son époque. Nous repérons ensuite des publications comme Aller-retour au pays de la folie co-signé en 1997 par Luc Vigneault, un travailleur en milieu communautaire et pair-aidant. Il sera suivi d’autres auteurs ex-patients comme Sylvie Giasson (1999), Yvan Barbeau (2000), Martin Bélanger (2005), Étienne Gervais (2008) et Gilles Simard (2013) qui décrivent les évènements qui les ont conduits aux services d’urgence en psychiatrie ou les activités et services qui ont pu les aider à mieux vivre dans la société commune.

La diffusion de ce type de témoignages par des revues scientifiques ou par des éditeurs reconnus a sans doute contribué à pousser les milieux des pratiques et les instances politiques à intégrer le terme de rétablissement dans leurs discours. Dans l’ensemble ces témoignages ajoutés aux nouvelles données de recherche sur l’évolution des patients psychiatriques convergent pour établir que ces derniers peuvent aspirer à retrouver une vie «normale» et que chacun peut y parvenir à sa manière (Provencher 2006; Farkas et al. 2005; Torrey et al. 2005, Anthony et al 2003; Anthony, 2002; Lauzon et Lecomte, 2002; Jacobson et Greenley, 2001). Ils apportent des illustrations pratiques de ce que pourraient être les facteurs du rétablissement vus comme tout ce qui constitue une condition ou un développement propice à la réinscription de soi dans la société.

Le texte de Lovejoy, en particulier, établit une parenté entre son rétablissement et le modèle d’intervention qu’elle a expérimenté dans une unité de traitement de la toxicomanie. Nous avons pu y reconnaître une intervention professionnelle qui est issue d’une tradition des mouvements anonymes. Il s’agit bien d’une autre influence constitutive du courant et elle est aussi repérable dans la description que fait Deegan de son propre processus de rétablissement. Elle écrit en effet que c’est un parcours de reconstruction de soi qui, par-delà des allers retours, se déploie «un jour à la fois»[6]. Cette dernière formule ne peut que rappeler la méthode A.A. De même, lorsque l’on pose comme préalable au projet de rétablissement, l’acceptation de la maladie mentale comme une condition personnelle que l’on ne peut changer (Fines, 2012), nous reconnaissons la première étape de la doctrine A.A. : «Nous avons admis que nous étions impuissants devant l’alcool - que nous avions perdu la maîtrise de notre vie ». Enfin la foi en une puissance supérieure ou le recours à la spiritualité pour se motiver à persévérer vers le rétablissement en santé mentale (Ochocka et al. 2007) est aussi une figure récurrente dans cette littérature et pour les A.A., une étape nécessaire vers la sobriété.

L’influence du milieu de la toxicomanie sur le courant du rétablissement en santé mentale est plus qu’anecdotique. Ce terme désignait déjà au 19e siècle et aux États-Unis, l’objectif des alcooliques qui travaillaient à adopter un comportement de plus grande sobriété. Ainsi les membres de certains groupes d’entraide pour anciens buveurs se nommaient les Recovery Circles et leurs agents privilégiés, des pairs aidants dirions-nous aujourd’hui, se faisaient appeler les Recovery mentors (Le Cardinal et al. 2013). Mais c’est le Dr Abraham A. Low, qui en 1937 fut à l’origine de la première organisation de ce type, c’est-à-dire à être formée exclusivement de patients psychiatriques  (Ochocka et al., 2005). Recovery, Inc est un groupe d’entraide dédié d’abord à ses patients suivis en postcure. On y prône l’entraide personnelle à la manière du mouvement des Alcooliques Anonymes (A. A.), fondé deux années plus tôt. L’objectif est de prévenir les rechutes et éviter la chronicité. Le médecin fondateur s’est retiré progressivement de la supervision de ce groupe pour en laisser toute la direction aux participants vétérans, qui en devenaient les dirigeants. Recovery est passé entièrement sous la gouverne de ses membres[7] depuis les années 1950 (Wechsler, 1960; Brown et coll., 2008). Un autre important mouvement d’entraide en santé mentale, GROW, est né en Australie en 1957, il est aujourd’hui actif en Nouvelle-Zélande, aux États-Unis, en Irlande et au Canada. Il se définit comme un organisme de promotion de la santé mentale et de prévention, de réhabilitation, de croissance personnelle et de rétablissement de la maladie mentale. Il est lui aussi très inspiré des A. A. (Finn et coll., 2009; Finn et coll., 2007).

Une autre source majeure d’influence du courant du rétablissement en santé mentale est sans doute le mouvement des personnes handicapées qui, à la même époque où celui-là émerge au tournant des années 1980 à 1990, développe de son côté une stratégie nouvelle de revendications pour l’intégration sociale des personnes qui vivent avec des incapacités. Selon cette nouvelle perspective, les incapacités en question ne sont pas la conséquence de manques de la personne mais de sa différence intrinsèque (Howell et Voronka, 2012). Dans le monde francophone on parle plutôt du modèle social du handicap (Fougeyrolas, 2007, Boucherat-Hue 2012). Patricia Deegan (1988) présente d’ailleurs son propre parcours comme étant similaire à celui d’une personne devenue handicapée. Elle en fait un récit en miroir avec celui de l’expérience d’un ami paralysé suite à un accident sportif. Ce procédé permet de mettre en lumière la similitude des étapes qui les ont menées tous deux à ce qu’elle nomme le rétablissement : d’abord le dénie et la colère, suivi d’une période de blocage dans le désespoir et l’angoisse et puis peut enfin survenir «l’étincelle d’espoir» qui s’alimente du soutien indéfectible de proches et sur l’acceptation de ses propres limites et la découverte de son potentiel. Malgré cette ressemblance des épreuves et parcours, les personnes qui vivent des problèmes de santé mentale, à l’instar d’autres segments de la population aux prises avec des situations d’incapacités, demeurent peu enclines à s’identifier aux personnes handicapées (Fougeyrollas, 2007).

Néanmoins les mouvements de défense des droits en santé mentale et des personnes handicapées s’inscrivent tous deux dans la vague des nouveaux «mouvements sociaux» en ce qu’ils participent à la politisation de l’univers privé ou à l’inverse réintroduisent l’affectivité dans le champ politique (Melluci, 1996). Leur nouveauté, à l’époque, consistait à mener des luttes non plus seulement pour la réappropriation objective de la structure matérielle de la production, comme le faisaient les mouvements traditionnels, mais plutôt pour revendiquer un contrôle collectif sur tout le développement social « [...] c'est-à-dire pour la réappropriation du temps, de l'espace, des relations, dans l'existence quotidienne des individus » (Melluci, 1989, 48). Le défi conséquent pour les personnes et les citoyens qui sont aux prises avec des incapacités en raison de leur situation physiologique ou psychologique serait la même: s’extraire des catégories réductrices d’handicaps et de diagnostics psychiatriques dans lesquelles les ont engluées la médecine, les professions annexes et les institutions spécialisées. Ces cloisonnements médico-administratifs ont pour effet de masquer les facteurs plus globaux de l’exclusion sociale dont ils souffrent tous. Elle est en grande partie liée aux attentes normatives de la société et ainsi inévitablement partagée par la majorité des proches et massivement introjectées par les personnes visées. Les modèles de soins et de services axés presqu’exclusivement sur le corps, y inclus par l’action des psychotropes, ainsi que l’inadaptation des environnements physique et sociaux aux besoins aux conditions des personnes handicapées sont autant de sources qui construisent leur exclusion. La raison de la résistance de plusieurs groupes vivant des incapacités ou des limitations à s’identifier et à se joindre à ce mouvement serait la crainte de se fondre dans un amalgame entremêlant sous une seule identité toutes les personnes et groupes dont les droits sont limités par des empêchements socialement construits avec conséquemment la revendication d’un statut social commun et réservé. À tort cependant selon Fougeyrolas (2007), puisque la conceptualisation de la construction sociale du handicap viserait au contraire à reconnaître que par-delà les diversités physiques ou psychologiques des personnes, il y a partage d’un droit universel qui serait celui de l’égalité d’accès aux services et aux ressources de la société. En tenant compte des limitations de chacun cela peut signifier, à titre d’exemples, l’adaptation du mobilier public et privé, celle des horaires de travail ou de la pédagogie, etc. De telles actions ont en commun d’être posé en respect d’un droit universel de participation à la société et de ne pas se constituer en revendications particularistes pour aucun.

 

Le rétablissement comme panacée, mais à quoi?

Sans doute influencés par tous ces courants convergents, plusieurs administrations publiques ont adopté depuis, peu ou prou la fin des années 1990, le rétablissement en tant que définisseur de leur nouvelle orientation pour les services de santé mentale. Le phénomène s’est répandu d’abord et surtout dans le monde anglo-saxon (Greacen et Jouet, 2013, Harper et Speed, 2012, Leamy et al. 2011) : au Royaume-Uni (HMG/DH, 2011), en Nouvelle-Zélande (Mental Health Commission, 1998), en Australie (Australian Health Ministers’ Advisory Council, 2013), dans plusieurs États américains (Farkas et al. 2005, Anthony et al. 2003) et au Canada (Commission de la santé mentale du Canada, 2009, Everett et al. , 2003). Cette vague a plus récemment abordée la francophonie en passant d’abord par le Québec (MSSS 2005, 2013) pour ensuite faire son chemin jusqu’en France par l’entremise d’associations d’usagers, de programmes de recherche, de publications savantes ou de conférences dans les universités et centres de recherche (Greacen et Jouet 2013, Le Cardinal et al. 2013).

Ce qui peut étonner c’est que par-delà cette unanimité de la plupart des pays développés (ou riches), il n’y a pas de définition commune au rétablissement (Speed et Harper, 2012, Leamy et al. 2011, Mental health «recovery» Study working Group, 2009, Onken et al. , 2007, Bellack, 2006, Davidson et al. , 2006; Torrey, W. C. et al. , 2005; Everett, B. et al. , 2003; Jacobson & Greenley, 2001). Au mieux, on le dira ambiguë et porteur de significations contradictoires (Marynowski-Traczyk et al. 2012). De plus on remarque que le statut théorique du mot varie d’un auteur à l’autre pour être présenté tour à tour et souvent à l’intérieur d’un même texte comme une notion (Greacen et Jouet, 2013, Bisson et al. 2006, Davidson et al. 2006, Noiseux et Ricard, 2005), un processus (Duprez, 2008, Deegan, 1988, 1996a, 1996b, 2007, Gouvernement du Canada, 2006, Corin, 2002, Frese et Davis, 1997), un modèle (Warner, 2010, Everett et al. , 2003), une approche (Marynowski-Traczyk et al. 2012, Provencher, 2007, O’Hagan, 2004), un concept (Greacen et Jouet, 2013, Le Cardinal, 2013, Howell et Voronka, 2012, Chambers, 2008, Onken et al. , 2007, Ochocka et al. 2005), un paradigme (Provencher, 2007, Fines, 2005, Torrey et al. , 2005, Anthony et al. , 2004, Pearson 2004, Anthony et al. 2003) ou même un mouvement social (Warner, 2010, Fines, 2005, Torrey et al. 2005).

Toutes ces appellations ne sont pas des synonymes et cette variété d’usages témoigne déjà de la coexistence d’appréhensions qui, si les mots veulent dire quelque chose, sont au moins concurrentes. Vu comme notion, le rétablissement ne serait qu’une intuition ou une représentation idéelle plutôt imprécise, nous enseigne le Petit Robert. Comme philosophie il articulerait un certain nombre de valeurs, lesquelles permettraient d’intégrer l’expérience de la maladie à une vision globale et signifiante de la vie. Celle-ci pourrait en outre guider les attitudes et les pratiques des intervenants. Conceptualisé, le rétablissement devrait classifier (Lebrun, 1994) un certain nombre de manifestations observables de l’amélioration de la santé mentale et de là pourraient découler une ou des approches avec des objectifs à atteindre et des manières conséquentes pour y parvenir. Le processus serait une acception du rétablissement vu comme une suite d’étapes non linéaires et qui se traduisent par l’adoption d’une philosophie de vie ou d’une attitude positive en vue d’atteindre un objectif donné. Nous verrons cependant qu’il peut s’agir selon les différents auteurs de la guérison, de la réinsertion sociale ou d’un mieux-être indéterminé et variable selon les personnes. En tant que paradigme ce serait un nouveau cadre de pensé pour la psychiatrie et les disciplines connexes (Khun, 1983). Il s’agirait de d’abord travailler, comprendre et stimuler, les forces et la santé plutôt que de prioriser la résomption des symptômes ou la guérison de la maladie. Enfin si l’on considérait le rétablissement comme un mouvement social, il devrait, suivant une définition sociologique, être porté par un ensemble de personnes qui partagent certaines revendications et les font valoir par des actions collectives visibles et conflictuelles. De plus un mouvement n’est pas une institution et sa forme organisationnelle est à l’avenant plutôt fluide, peu centralisée, voire même instable (Maheu et Descent, 1990).

L’histoire et la tradition pourraient venir à notre secours puisqu’elles sont souvent évoquées pour donner à une idée ses lettres de noblesse. Le temps d’usage serait en quelque sorte garant de sa valeur, tel un élément stable et sûr se dressant parmi le fouillis des représentations concurrentes et éphémères. Dans le cas du rétablissement la littérature tend pourtant, nous l’avons vu, à insister sur sa nouveauté sans jamais tirer de leçon de sa généalogie. Malgré une littérature scientifique foisonnante à son propos, il nous semble encore difficile de considérer le rétablissement comme un nouveau paradigme, une philosophie ou un concept. Dans tous ces cas l’étayage théorique nous semble encore trop faible, incomplet ou contradictoire pour décerner avec assurance l’un ou l’autre de ces statuts à l’expression rétablissement en santé mentale. À cette étape de notre recherche, le rétablissement apparait être plus une nébuleuse notionnelle dans laquelle scintillent des mots-vedettes tels, entre autres, l’espoir, la réduction des symptômes, l’empowerment, la résilience, la responsabilisation, l’acceptation, la rémission, le sens de la vie et le mieux-être.

 

Le rétablissement : vers une conceptualisation?

Afin de réduire ce flou théorique, certains chercheurs se sont efforcés de conceptualiser le rétablissement et ont commencé ainsi à mettre à jour des enjeux qui demeuraient encore cachés sous ce tapis. Ainsi il semble être assez courant d’intégrer le rétablissement directement dans le giron médical. Il est alors défini essentiellement comme la réduction des symptômes de la maladie chez un individu donné (Pearson, 2004, Fines, 2005, Mountain et Shah, 2008, Speed et Harper, 2012). Certains sont plus précis et exigent une rémission complète et durable des symptômes pendant au moins deux années avant de décréter qu’un rétablissement est complet (Liberman et Kopelowicz, 2005). Sous ce seuil il ne s’agirait encore que d’une rémission. Jusqu’ici le rétablissement ne serait qu’un synonyme de la guérison à ceci près qu’il ne désignerait pas que l’objectif final mais son horizon.

Richard Warner (2005, 2010) reprend à peu près ce premier modèle que nous dirons être plutôt médical lorsqu’il propose de reconnaitre qu’il y a deux degrés possibles du rétablissement. Le premier, dit complet, équivaut lui aussi à une guérison puisqu’il se reconnaîtrait à l’extinction complète des symptômes et au retour à une activité sociale du sujet équivalente à ce qu’elle était avant la survenue de la maladie. Par contre son second degré de rétablissement ne s’adosse plus strictement à un critère médical. Le rétablissement partiel ou social pourrait se contenter d’une réadaptation aux principales normes sociales même si la personne ressent toujours les symptômes pénibles de la maladie. Le rétablissement social consisterait en la reconstruction d’une capacité de vivre sans assistance économique ni résidentielles et sans trop perturber la communauté. D’autres auteurs (Pearson, 2004, Harper et Speed, 2012) attribuent à ce type de définition plus orientée vers le social au courant de la réhabilitation psycho-sociale. Il se définit par l’intégration et la participation de la personne à un réseau social, l’amélioration de sa qualité de vie et la réduction de la sévérité de ses symptômes. Avec Onken et al. (2007) nous approchons ainsi une véritable conceptualisation du rétablissement social avec une classification d’indicateurs qui se veut opérationnelle et fondée sur la recherche et l’observation empirique.

Un second regroupement peut être composé avec les définitions du rétablissement en tant que parcours expérientiel. Ainsi pour Leamy et al. (2011) Le rétablissement est l’analogue d’un voyage avec ses aléas. L’image est probablement empruntée à Deegan (1996b). Le rétablissement ne signifie pas ici la guérison mais la recherche d’un sens à la vie, d’affiliation aux autres et à la société avec espoir et optimisme. Se rétablir consisterait alors essentiellement à trouver ou à retrouver une qualité de vie satisfaisante. C’est-à-dire à acquérir un sentiment d’accomplissement et d’empowerment, avoir des activités valables à ses propres yeux et à ceux des autres avec la possibilité et la capacité de faire ses propres choix par-delà les écueils et les possibles rechutes. Le rétablissement comme un voyage est un repositionnement de la personne quant à sa souffrance ou la quête d’un nouvel équilibre de vie satisfaisant en dépit des affres de sa maladie (Le Cardinal et al. 2013, Corin 2002). Suivant cette approche générale, le rétablissement serait plus une philosophie alors que la possibilité d’extraire une conceptualisation de son processus à partir d’un savoir expérientiel comme chez Deegan (op. cit. 1988), rappelle les approches biographiques des sciences humaines ou la théorie ancrée en anthropologie. Selon cette auteure, le rétablissement apparait ainsi saisissable dans sa forme et son esprit plutôt que par une quelconque objectivation de type académique (1996b).

Enfin, selon Pearson (2004), les militants de la défense des droits et les survivors appréhenderaient pour leur part le rétablissement avec une perspective politique, puisqu’il s’agirait de l’émancipation de la personne à l’égard de la gouverne psychiatrique et des traitements. Il ajoute deux autres types de rétablissement. Le premier serait le rétablissement culturel qui implique un renouement aux racines ancestrales et s’appliquerait surtout aux peuples autochtones et le second serait le rétablissement personnel et consiste essentiellement à la prise en charge par la personne concernée de sa définition, des objectifs à atteindre et des modalités pour le faire. On peut reconnaître dans ce dernier ensemble une velléité politique et commune de libération des contraintes imposées par la société majoritaire.

 

Éléments pour une discussion ou de l’appropriation de la définition du rétablissement. Mise en contexte et enjeux de l’intervention publique à l’ère de l’État gestionnaire.

L’usage du rétablissement au titre de principe directeur d’une politique nationale de santé mentale comme l’a statué, entre autres, le ministère québécois de la santé et des services sociaux peut être questionné à la lumière de ce qui précède. Si tant est que comme tant d’autres États occidentaux, il veut ainsi exprimer les fondements rigoureux de sa politique tant pour la recherche que pour l’intervention publique et sa gestion, il est à sa charge de définir ce principe qui, nous l’avons vu, demeure autrement assez flou. Malgré ce travers, le gouvernement américain l’avait déjà promu par l’intitulé même de sa planification des services de santé mentale de 2003 (Poole, 2008, Mental Health «Recovery» Study Working Group, 2009). Le courant du rétablissement, préexistait aux États-Unis bien avant à cette institutionnalisation mais avait été jusque-là surtout associé au mouvement des ex-psychiatrisés en opposition au modèle de traitement «hospitalo-centré». La progression de cette revendication qui s’est traduite depuis les années 1960 dans l’implantation de dispensaires de santé mentale directement dans la communauté ou Community-based, a donné lieu à une hybridation de ces ressources avec d’autres plus traditionnelles. Cette «communautarisation» lancée au nom de la réduction des contraintes institutionnelles servirait aujourd’hui une perspective néo-libérale de désengagement de l’État par rapport à ses missions sociales et sanitaires qu’il relègue à bon compte de santé à l’entreprise privé ou à la prise en charge individuelle et communautaire (Howel et Voronka 2012).

Le Québec s’inscrit dans cette même tendance avec aussi l’adoption son plan d’action en santé mentale de 2005. Il s’inscrit dans une réforme des services sociaux et de santé adoptée en 2003 comme la platform for mental health aux USA. Cette réforme s’inspire ouvertement de la nouvelle gestion publique que le gouvernement du Québec prétend mettre en œuvre par réingénierie de l’État[8]. À gros traits, il s’agit de rompre avec l’héritage de l’État-providence décrit globalement comme dépensier et inefficace. Ainsi le budget des établissements du secteur de la santé était jusque-là alloué par le gouvernement central sur la foi des budgets précédents, mais pouvait être haussé dans la mesure des besoins démontrés par les établissements. Selon les critiques du modèle, il constituait une incitation directe à dépenser pour justifier le développement constant des établissements sans égard à l’intérêt public. Les établissements publics doivent désormais répondre à des objectifs fixés par l’administration centrale et ils seront financés en proportion de l’atteinte de ces cibles. Ce mode d’attribution est par ailleurs nettement défavorable aux interventions sociales plus difficilement mesurables. En conséquence, il a légitimé une migration des fonds vers le secteur curatif dont les extrants sont plus facilement chiffrables et mesurables (Bourque et Quesnel-Vallée, 2014). Cette gestion est aussi cohérente avec une approche épidémiologique qui traduit en statistiques les besoins de services de la population et peut ainsi contribuer à fixer la dotation légitime des administrations locales. De même, le recours aux meilleurs pratiques, aux pratiques probantes ou à l’evidence-based medicine correspond à une conception plus médicale ou biologique de la santé mentale et est peu orienté sur la relation d’aide. Les pratiques probantes s’assimilent à une pratique psychiatrique fondée sur des critères de diagnostic et d’intervention objectivables du type DSM (Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux). Leur validité se fonde sur une preuve appuyée par les grands nombres mais est peu transférable pour la compréhension des cas complexes comme il en est de ceux de la psychiatrie (Bourgeois, 2001; Thurin et coll., 2006). Des pratiques «molles» comme tisser l’alliance thérapeutique, être empathique, être à l’écoute, disponible et attentif aux effets de transfert et de contre-transfert ne font pas partie de cette comptabilité (Bourgeois, 2001), tout comme y sont occultées les interventions qui visent à pallier les impacts des déterminants sociaux tels le faible revenu, le chômage ou le manque de logements pour les personnes seules et pauvres. Selon Alain Dupuis, ce plan est typique du «managérialisme» et de sa «rationalité mécanicienne». Il centralise les décisions, hiérarchise des paliers d’autorité, multiplie les mesures de contrôle et d’évaluation. Le tout fondé sur des données probantes et soumis à une planification scientifique (Dupuis, 2010).

Les travaux d’Isabelle Astier (2007, 2009) nous permettent de voir comment ce nouvel environnement politique et gestionnaire pourrait à son tour influencer les pratiques publiques d’intervention sociale. Depuis peu ou prou le début du XXe siècle, nous rappelle cette auteure, l’assistance envers les pauvres les chômeurs, les malades ou les handicapés, était considéré comme un devoir de solidarité et de ce fait devait être légitimement exercé par les pouvoirs publics. Au fil du temps cette responsabilité reconnue à tous a pu être attribué à chacun avec un effet paradoxal de «retournement de la dette». Celui qui auparavant était réputé nécessiteux pouvait se prévaloir de son droit à recevoir de l’aide de la société. Il doit désormais faire la preuve de ses efforts à s’en sortir pour qu’en contrepartie la collectivité lui offre «les moyens de se maintenir en état, de demeurer actif ou de le redevenir» (Astier, 2009, 52). En vue de recouvrir ou d’acquérir son autonomie, sa dignité, l’estime de lui-même et celle des autres, cet individu doit élaborer un projet de carrière ou de formation, ou dans les cas qui nous préoccupent, s’engager dans son propre rétablissement. C’est ce que l’on peut lire aussi dans la définition du principe directeur de rétablissement que propose le plan québécois.

«Le PASM 2014-2020 réaffirme la foi en la capacité des personnes de prendre le contrôle de leur vie et de leur maladie tout en participant pleinement à la vie sociale. Les soins et les services axés sur le rétablissement diffèrent des services traditionnels du fait que même si l’amélioration des symptômes de la maladie peut jouer un rôle important dans le processus de rétablissement de la personne, sa qualité de vie telle qu’elle la définit en est l’élément central.» (MSSS 2013, 1)

Il ne s’agit plus seulement d’offrir les services auxquels on droit les citoyens en raison de leur état de santé mais aussi de les inscrire ou de les réinscrire dans le projet commun que devrait incarner les institutions publiques. L’individu n’est pas blâmé pour son problème, mais il doit «faire sa juste part»[9] pour le solutionner. Ainsi un pair-aidant ayant parfaitement intégré ce message expliquait à un journaliste : «On doit avoir un projet de vie. Être malade ce n'est pas un projet de vie. On doit vouloir travailler, vivre en appartement, se mettre en action. Si tu restes sur ton cul, tu as un rétablissement de cul» (Le Soleil, 2013). Citant la définition canonique du rétablissement d’Anthony (1991 dans Anthony et al. op.cit) suivant laquelle le rétablissement est l’affaire des patients et non du personnel soignant, Harper et Speed constatent que sous l’égide du rétablissement, toute la charge de la réinsertion sociale repose désormais sur les épaules de la personne en marge. Elle devra changer ses attitudes, valeurs, sentiments, buts, habiletés et rôle[10] alors qu’il n’est jamais fait mention des facteurs environnementaux adverses produits par l’organisation sociale du moment. À l’instar d’Astier ces auteurs britanniques constatent un déplacement de la prise en charge d’un problème social qui passe de la responsabilité des établissements publics vers le self-care (Fines, 2002, Harper et Speed, 2012). Suivant cette critique, l’adhésion des administrations publiques au rétablissement serait surtout un prétexte d’idéologues néo-libéraux pour justifier la réduction des services et la responsabilité de l’État. Mary O’Hagan ex-psychiatrisés et ex-membres de la commission de la santé mentale de Nouvelle Zélande critique à ces égards le modèle américain du rétablissement pour être orienté principalement sur les individus au détriment des conditions sociales, économiques et politiques qui sont aussi des facteurs du rétablissement. Elle déplore aussi que celui-là laisse trop peu de place à la critique de la dominance du modèle biomédical dans les services de santé mentale (O’Hagan, 2004).

Un deuxième élément de notre discussion porte sur le changement paradigmatique qu’imposerait le rétablissement à l’intervention psychiatrique et en santé mentale. Le pivot de ces disciplines et de ses pratiques passeraient ainsi de l’extinction de la maladie et de ses symptômes à la réalisation des forces et aspirations des personnes touchées. Mais cela ne pourrait être plus que la présentation à l’envers d’un même tableau. S’il faut miser sur les habiletés et les forces, c’est inévitablement parce que l’on combat les faiblesses et les inaptitudes. Le rétablissement peut ainsi s’inscrire sans dommage dans modèle médical. Ainsi nous avons vu que Deegan, n’associait nullement le processus de rétablissement à une négation de la maladie mais bien à un renoncement à un soi idéal d’avant la maladie. On peut ainsi associer les étapes du rétablissement qu’elle propose à celles d’un deuil qui une fois achevé n’annule pas la réalité de la mort. Il relance néanmoins l’investissement dans le vivant. Suivant cette analogie on peut voir le rétablissement comme la découverte et d’un nouveau soi qui serait en fait constitué defacettesdu soi antérieur «n’ayant pas été affectées par le trouble mental» (Provencher, 2002, 40). Un autre leader du mouvement des Survivors, Judi Chamberlin, associait pour sa part dans son ouvrage In our Own, publié en 1978 l’échec des traitements psychiatriques à l’usage de la contrainte et non directement à cette discipline. Il ne s’agissait donc là non plus d’une remise en cause d’un élément paradigmatique de la science psychiatrique mais d’un positionnement éthique à l’encontre de l’encadrement de ses applications aux États-Unis et à cette époque. Cependant selon un historien de la psychiatrie, la proportion des ex-patients schizophrènes rétablis ou présentant un fonctionnement social à peu près équivalent à celui qu’il était avant le déclenchement de leur trouble était demeuré le même, environ 30%, depuis deux siècles siècle (Dain, 1989). Mais, nous l’avons signalé, des études longitudinales des années 1980 et 1990 révélait un taux beaucoup plus élevé d’au-delà de 50% pour des cohortes étudiées depuis les années 1970. Cela pouvait laisser supposer qu’en plus du volontariat ou en dépit de celui-ci, la qualité des soins était à la source de cette amélioration. Or, selon une compilation de relevés statistiques qui couvrent des périodes qui vont de 1881 à 1995, il appert que le taux de rétablissement des personnes diagnostiquées schizophrènes ne serait pas globalement meilleur au début qu’à la fin du 20e siècle[11] (Warner, 2005). L’apport des médicaments antipsychotiques introduits à partir des années 1950 aurait même eu assez peu d’impact. Des variations significatives sont cependant observables en lien avec les fluctuations économiques, le taux de rétablissement serait plus faible en période de crise et inversement meilleur en temps d’essor économique. L’auteur fait remarquer que le rétablissement social étant mesuré notamment à l’aune du retour au travail, il fallait s’attendre à ce que ses variations fluctuent avec celles du chômage. La crise économique des années 1880 aura ainsi pu biaiser les conclusions des observations menées par  Kraepelin à l’époque où il élaborait sa nosologie des maladies mentales qui affirmait la chronicité des troubles psychotiques, tout comme nous pourrions pécher par optimisme en nous confortant de résultats d’études réalisées sur des patients appartenant à la génération des trente glorieuses.

 

 

Conclusion

Nous avons tenté de présenter un rapide tour d’horizon des appréhensions du rétablissement et ainsi mettre en lumière les tensions qui habitent sourdement ce qui nous apparaît être plus un compromis qu’un véritable consensus. Cette vogue au rétablissement couvre déjà le monde anglo-saxon et a connu un grand élan politique au Québec avec le plan d’action en santé mentale adopté par le gouvernement en 2005. Tout le monde s’y est mis jusqu’à parfois reformuler la mission et le nom de certaines associations et activités pour bien marquer son adhésion à ce nouveau courant. Néanmoins nous y avons vu plus un effet de champ, c’est-à-dire un coup stratégique de positionnement, que l’impact d’une véritable révolution paradigmatique qui aurait unifiée en un front uni la psychiatrie, les ressources alternatives et communautaire du Québec. Notre incursion dans la littérature tend aussi à révéler les failles du même consensus à l’échelle internationale. Sous le même vocable on y a vue se spécifier des sous-espèces comme le rétablissement complet, le social, le personnel, le culturel, etc. Cette déclinaison à l’avantage de mettre en lumière les positions que les différents groupes du champ souhaitent voire s’institutionnaliser. Les enjeux de cette négociation sont d’au moins trois ordres. Il y aurait en premier lieu celui de la démocratie en tant que véhicule de la solidarité organisée. Le mot d’ordre de rétablissement, en effet, peut facilement se transformer en prétexte à l’abandon des personnes souffrantes. La version néo-libérale du rétablissement met en demeure les personnes et les communautés de s’autonomiser et se déresponsabilise en quelque sorte de la quantité et de la qualité des services et ressources disponibles. Surtout, elle évite de considérer les éventuels facteurs sociaux, économiques ou politiques à l’origine des troubles psychologiques ou de leur aggravation. La version médicale tend aussi à faire l’impasse sur ces déterminants de la santé en se concentrant sur le développement de pratiques standardisés, laissant aux individus la charge de défendre leurs autres droits. On entend rarement les associations professionnelles s’élever contre l’appauvrissement des populations qu’elles soignent. Enfin nous avons vu que les groupes habituellement associés à la contestation des pouvoirs contraignants que peuvent exercer les institutions se montrent paradoxalement assez peu critiques. L’argument du rétablissement en tant que parcours personnel tout en étant incontestable, laisse place aux autres interprétations sans ramener de l’avant les exigences originelles, pourrions-nous dire, de leur mouvement et qui sont de nature universaliste, l’exercice des mêmes droits que chacun grâce à une répartition de ressources permettant de les réaliser quel que soit sa condition physique ou mentale.

 

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[1] Je paraphrase Wittgenstein (1965; 89) : « […] les questions que nous posons et nos doutes reposent sur ceci: certaines propositions sont soustraites au doute, comme des gonds sur lesquels tournent ces questions et doutes. […]. Si je veux que la porte tourne, il faut que les gonds soient fixes».

 

[2] Ce qui ne signifie pas que tous les membres d’un champ donné champ ne font que ça, ni qu’ils le font toujours consciemment.

[3]Ce monopole est néanmoins un peu ébranlé. Les États américains, du Nouveau-Mexique et de la Louisiane autorisent depuis le début des années 2000 des psychologues à prescrire des médicaments psychotropes (Chaïb, 2007).

[4]Pour plus de détail sur ces périodes, lire les conférences d’Yves Lecomte et de Luc Ciompi dans ce volume

[5]En Europe de tels groupes apparaissent vers la même époque, d’abord dans les pays du nord pour ensuite se développer en Italie, en France et en Grande-Bretagne. En Europe de l’Est, il faudra attendre le début des années 1990 et l’éclatement de l’U.R.S.S. (Rose et Lucas, 2007).

[6]«One day at a time, with multiple setbacks, we rebuilt our lives» (Deegan, 1988, 14)

[7]Aujourd’hui, ils sont environ 10 000 répartis entre les États-Unis, le Canada et le Mexique

[8]Ce gouvernement libéral fut élu en 2003, puis réélu en 2007 avec le statut de gouvernement minoritaire jusqu’aux élections de 2008. Il reprendra alors le pouvoir et sa majorité jusqu’à sa défaite de 2012. Le plan d’action en santé mentale, La force des liens couvrait la période 2005-2010.

[9]Cette expression fut largement utilisée par le gouvernement québécois pour justifier son projet de hausse des frais d’études dans les collèges et universités au «printemps érable» de 2012 alors que près de 75% des étudiants réclamant le droit à l’éducation ont fait grève sporadiquement ou de manière continue entre février et septembre 2012.

[10] « […] a deeply personal, unique process of changing one’s attitudes, values, feelings, goals, skills and/or roles. It is a way of living a satisfying, hopeful, and contributing life even with limitations caused by the illness. Recovery involves the development of new meaning and purpose in one’s life as one grows beyond the catastrophic effects of mental illness» (Anthony, 1993)

[11]Là aussi les recherches citées, entre autres, par Lauzon et Lecomte (2002) pour documenter la thèse inverse échappe à cet auteur. Warner connait néanmoins les travaux Luc Ciompi puisqu’il le cite dans un autre chapitre de son ouvrage.